La mode est liée à la déforestation de l'Amazonie
En réalité, ça n’est une surprise pour personne. Des géants de la mode, comme Coach, LVMH, Prada, H&M, Zara, Adidas, Nike ou encore New Balance, sont mis en cause dans la déforestation de l’Amazonie.
J’ai lu le rapport du Stand.earth Research Group, j’ai vu les graphiques et les cartes illustrant la déforestation, j’ai vu ces milliers de points rouges et oranges tachetant l’Amazonie comme allégorie d’une forêt qui brûle.
Ces images me rendent profondément triste et inquiète pour le futur de notre planète. Car au-delà de son rôle majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique, la forêt est une richesse. Une richesse de biodiversité et de nature.
Nos chaussures et nos sacs à main justifient-ils vraiment la perte de nos forêts et notamment celle de l’Amazonie ?
Mais alors, comment les marques peuvent-elles être liées à cette déforestation ? Tout commence avec JBS, “le plus grand exportateur de cuir brésilien et le plus grand responsable de la destruction de l’Amazonie”. “Sur la base de données satellites, entre mars 2019 et mars 2021, JBS serait responsable de la disparition de 91 000 hectares de la forêt amazonienne, dont 81 % de cette déforestation serait illégale. Des aires protégées auraient également servi de pâturage au bétail”, détaille le rapport, avant de continuer, “Toutes les entreprises qui s'approvisionnent directement auprès de JBS, ou indirectement via des sous-traitants, sont donc liées à la déforestation de la forêt amazonienne.” Et attention, JBS n’est pas le seul responsable, d’autres tanneries et entreprises de l’industrie du cuir au Brésil ont les mêmes pratiques.
Nous le savons, les scientifiques le répètent, l’élevage intensif de bétail est responsable des déforestations à travers le monde. Les forêts sont détruites pour avoir suffisamment d’espace afin d’élever des milliers de bêtes mais aussi pour les nourrir. “L'élevage de bétail est même considéré comme l'une des premières causes de la déforestation en Amazonie, à cause des arbres détruits pour les transformer en zones de pâturage (53 millions d'hectares détruits dans le bassin amazonien en 2017 contre 14 millions en 1985, selon la plateforme Mapbiomas)”, peut-on lire ici. Et les différents rapports scientifiques craignent que la disparition progressive de l’Amazonie puisse conduire à un changement “dramatique et irrémédiable” du système climatique.
Pour en revenir à l’enquête du Stand.earth Research Group qui est en cours, elle a révélé que, jusqu'à présent, une centaine de marques auraient des liens directs ou indirects avec JBS. Les auteurs et autrices de l'étude ont étudié les multiples connexions dans les chaînes d'approvisionnement mondiales de l'industrie de la mode, entre JBS, des tanneries de cuir brésiliennes, des sous-traitants dans divers pays qui s’approvisionnent au Brésil et des marques de mode. Attention, comme le précise le rapport, chaque connexion individuelle n'est pas une preuve absolue qu'il existe un lien direct entre chaque marque et la déforestation de l'Amazonie, car les connexions sont extrêmement nombreuses (les marques travaillent avec des sous-traitants qui travaillent avec des sous-traitants qui eux-mêmes s’approvisionnent auprès d’autres fournisseurs). Mais cela démontre que de nombreuses marques sont susceptibles de contribuer à la destruction de la forêt amazonienne.
Et ce n’est pas tout. Les données suggèrent qu’environ 30 % des entreprises identifiées enfreignent potentiellement leurs propres politiques contre l'approvisionnement en cuir issu de la déforestation. Les autres entreprises n'ont quant à elles mis en place aucune politique pertinente sur ce sujet. Comment est-ce possible ? En fait “certaines marques de mode se cachent derrière le Leather Working Group (LWG). Sauf que le LWG n’évalue actuellement les tanneries que sur leur capacité à retracer le cuir jusqu'aux abattoirs, pas jusqu'aux fermes, et ne fournit donc aucune information sur le lien ou non entre les abattoirs et la déforestation. En d'autres termes, s'appuyer sur la certification LWG ne garantit pas des chaînes d'approvisionnement en cuir sans lien avec la déforestation”, conclut le rapport.
Et si les conséquences environnementales de la déforestation sont assez évidentes, elles sont aussi dramatiques pour les populations vivant en Amazonie. Ce que rappelle Sônia Guajajara, coordinatrice exécutive de l'Alliance des peuples autochtones du Brésil, au Guardian : les marques ont “la responsabilité morale, l'influence et les ressources économiques” de cesser de travailler avec des fournisseurs contribuant à la déforestation en Amazonie aujourd'hui, “pas dans 10 ans, pas en 2025.”
Pour être honnête, je me demande comment, en 2021, avec nos capacités d’accès à l’information, certaines marques font pour ne pas connaître l’ensemble de leurs fournisseurs et sous-traitants. Remonter les chaînes d’approvisionnement prend du temps, c’est certain, mais depuis 2013 et l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, les marques ont eu 8 ans pour le faire…