La fast fashion n'est pas bon marché
Une marque de fast fashion qui propose une offre de seconde main c’est un peu comme une compagnie aérienne qui propose de planter des arbres pour compenser la pollution engendrée par ses vols. Ça ne sert à rien (ou presque).
Et pourtant, c’est ce qu’a récemment annoncé Pretty Little Thing, marque de fast fashion du groupe anglais Boohoo. Apparemment ils estiment que leurs vêtements sont assez durables et d’une qualité suffisante pour être transmis et résister de nombreuses années. Ou alors ils s’achètent une bonne conscience, comme les compagnies aériennes. La deuxième option semble la plus probable. Parce qu’en réalité, en créant un service de seconde main et en proposant des vêtements d’occasion, ils ne s’attaquent pas au coeur du problème : leur surproduction. Alors en brouillant le message derrière un pseudo engagement, ils jugent avoir fait le boulot. Ils pourraient presque nous dire que cette nouvelle offre de seconde main permettra de sauver la planète.
Mais surtout, les vêtements de seconde main, en toute logique, sont moins chers que les vêtements neufs. Alors je me suis demandée comment une marque, censée être déjà très bon marché, pourrait créer une offre de seconde main rentable ? Si les vêtements ne coûtent que quelques euros, peut-on encore baisser les prix tout en gagnant de l’argent ? Car on ne va pas se mentir, Pretty Little Thing n’est pas une oeuvre de charité.
Alors, finalement, la fast fashion est-elle encore si peu cher ? Moins cher qu’une marque éthique c’est évident. Mais quelle est vraiment la différence de prix ? Lors d’une de mes récentes conférences à Sciences Po Rennes, une étudiante m’a fait remarquer que les prix de fast fashion avaient quand même beaucoup augmenté, et qu’en réalité, au vu de la piètre qualité des vêtements, on ne faisait plus tellement de bonnes affaires. J’ai alors réalisé que leur marketing martelé depuis des années avait eu raison de mon esprit critique. J’étais intimement convaincue que les vêtements de fast fashion étaient très bon marché. Et c’était d’ailleurs selon moi leur recette gagnante. Mais l’annonce de Pretty Little Thing m’a fait réfléchir et j’ai donc décidé d’aller jeter un oeil aux prix pratiqués.
J’ai pris comme base une robe t-shirt vert d'eau en coton bio vendue sur le site responsable Wedressfair, de la marque Armedangels, et actuellement en promotion à 35,00€ (robe en coton GOTS, labellisée Fair Wear Foundation, et fabriquée au Portugal). En tapant “robe t-shirt kaki courte femme” sur google shopping je suis tombée sur toute une sélection de robes similaires. Voilà le résultat de ma recherche :
Robe Shein : 9,99€
Robe H&M : 14,99€
Robe Zara (rayée) : 19,95€
Robe &Other Stories (noir) - groupe H&M : 25,00€
Robe COS (noir) - groupe H&M : 49,00€
C’est quand même intéressant de constater que la robe Wedressfair n’est pas la plus cher (certes en promotion mais rien ne nous interdit d’attendre les soldes - raisonnables - pour acheter responsable), mais également que la différence de prix n’est pas si conséquente. Car la robe Wedressfair durera beaucoup plus longtemps que les autres (grâce à la qualité de la confection et de la matière utilisée, cela n’est même plus à prouver). Donc au final, dire que toutes les marques de fast fashion sont bon marché est une erreur. Et c’est un argument que les entreprises entretiennent avec beaucoup d’intérêt, via un discours marketing bien rodé. Et le plus ironique dans tout ça ? Et c’est ce que me confirmait Rubaiyat Hossain, la réalisatrice du film Made in Bangladesh, les ouvrières qui ont confectionné ces robes de fast fashion n’ont même pas les moyens de se les payer.